mardi 12 avril 2016

In Memoriam


Nous sommes tous là réunis autour de Francine en ce jour d'avril 2009.

Si elle le pouvait, elle nous dirait : « Mais n'avez vous rien de plus urgent a faire ? »

Alors je me souviens, Maman, que chacun de nous t'a - un jour - écrit quelque chose qui explique pourquoi nous sommes là...

Pour Vincent et Rémi «Nous sommes là parce que nous t'aimons.»

« Tu as un esprit de fer, tu sais prendre tes responsabilités. », disait Frédérique.

« Tu as toujours été là chaque fois que nous en avons eu besoin ; à notre tour nous sommes tous là aujourd'hui. », précisait Anne.

« Je t'aime et tu seras toujours en moi. », t'écrivait Erika.

Rudolf pensait que tu « symbolisais l'union de notre famille. »

« Mais arrêtes de te faire du mauvais sang pour nous. », ajoutait David.

« Tu es une super mamie, pleine de ressources et d'énergie ; tu te sacrifies pour nous tous », t'écrivait Yann, tandis que Stéphane te remerciait d'avoir su « faire attention à lui tout au long de son évolution. »

Ivan, lui, se souvient « des soirs d'été où il allait dans les sentiers de Paris avec toi. »

« Qui - mieux que toi - sans parler, sans commander, a su nous comprendre, nous écouter, nous sourire et nous encourager ? » te disait Thérèse.

François avait repris pour toi cette phrase de Cabrel : « elle vit tout doucement sans jamais s'écarter des mots que Dieu lui a dicté ».

Ton petit Pierre, avec Maguy te disait : « je t'aime ainsi, telle que tu es.»

« Tu as su nous transmettre l'attachement familial et l'amour fraternel qui demeurent plus vivants et forts que l'adversité des temps présents. », t'a écrit Robert.

« Tu as su tisser entre nous des liens inaltérables, acceptant par amour que nous bouleversions ton système de valeurs. », a dit alors Eliane.

« On sera toujours là, pour toi, qui nous a tout donné. », ajoutait Marie France.

Maurice te disait « espérer transmettre à ses enfants, comme tu l'as fait pour nous, la valeur des choses de la vie et de la famille » et restait « interrogatif sur tes pensées profondes. »

Que dire de plus ? Tu fus une femme discrète, mais engagée, ayant des idées sur toutes les questions sociétales et religieuses, et pourtant tu as su dépasser tout cela pour nous abreuver de ton amour et accueillir tous nos chemins, si différents du tien par moment.

Nous te disons merci et prends soin de nous là haut.

L'Information et l'Opinion Publique telles que nous les subissons.


[ rédigé à la mémoire de Jean Madiran, qui a contribué à la formation de mon esprit dans ma jeunesse.]

Lecture du Figaro à la suite de l'exhortation apostolique du Pape François Amoris Laetitia… « C’est officiel, le pape François entrouvre une porte de l’Église qui était jusque-là fermée aux divorcés-remariés. » !

Tous les médias se sont jetés en pâture, comme des morts-de-faim, sur les passages concernant les divorcés-remariés, suggérant que l’Église faisait son début de révolution, amorçait son profond changement. Je me marre.

L'information a pris, de nos jours, une importance exceptionnelle, mais est-elle bien sérieusement traitée ?

De l'information, au sens premier, du latin « informare », il s'agissait de « donner forme », au sens philosophique, que ce soit à une matière ou à une idée. Au sens second, il s'agit d'un terme juridique encore en usage, l'information étant l'ensemble des actes qui tendent à établir les détails d'une infraction ou d'un délit. On peut y donner un troisième sens, celui qui consiste à prendre des renseignements ; beaucoup de services d'état ont pris nom de service d'information. Ce n'est que plus tard qu'elle a signifié la recherche et la diffusion de nouvelles. De cet ensemble de définitions, il est facile de voir que l'information peut revêtir des aspects parfois divergents, entre neutralité, objectivité, poursuite du bien commun i.e. élever l'esprit en l'instruisant, et - a contrario – partialité, secret, filtrage des faits, pour ne retenir que l'essentiel, et donc manipulation des esprits.

L'opinion publique, elle, se prend pour « la reine du monde » (Pensées de Pascal), recherche l'extension de sa puissance, à l'instar d'une nouvelle religion, la religion de l'information, cette religion des temps du numérique. A l'origine, c'était la « rumeur », un avis répandu par les hommes et par le temps, éloigné de ce qui est objectif et certain, j'ai nommé le « savoir ». Les philosophes se sont exprimés sur ce monstre qui « gouverne le monde », de Voltaire à D'Alembert et Chamfort, lui qui résumait la chose ainsi ;: « L'opinion est la reine du monde parce que la sottise est la reine des sots. ». Je ne puis qu'applaudir à une telle sentence.

La question qui se pose est : qui sont les maîtres et les esclaves de l'opinion publique ? Sont-ce les philosophes, les écrivains, les penseurs, les journalistes… qui fabriquent l'opinion ou – inversement – ces gens là ne sont-ils pas dans la situation où ils « suivent » l'opinion, au lieu de la guider ?

La seconde question est alors: si l'opinion publique est forgeable et constructible, quid des dogmes, croyances, erreurs et préjugés qui la caractérisent ? Question terrible, car dans un climat où l'opinion publique est reine du monde, il faut beaucoup de courage et d'énergie pour ne pas la flatter davantage, aller dans son sens, ne point la contredire, ne pas s'y opposer… sous peine de passer pour un réac, un complotiste, un incroyant ou que sais-je encore. Une sale maladie ! Comment en guérir ?

L'Histoire nous répond. En face d'une opinion publique qui se prosterne aux pieds de ses idoles, la liberté, le progrès, la civilisation moderne (les idées issues de la Révolution) il y eut quelques Papes et autres philosophes chrétiens qui ont balayé le naturalisme de ces notions et replacé Dieu au centre. Pie XII par ex. en disait qu'elle était «  une impression factice et superficielle, rien d'un écho spontanément éveillé… d'un conformisme aveugle et docile des pensées et jugements.» Mais la substance réelle de leur opposition ne parvint jamais à faire diminuer l'influence de l'opinion publique dans les sociétés. D'où il ressort clairement qu'il n'est pas possible de s'en guérir par des moyens du même ordre que l'opinion : la parole, l'enseignement, la controverse, le débat, le dialogue. L'opinion publique est hermétique à tout cela, imperméable aux arguments, rivée dans son état d'auto-suffisance, d'auto-certitude, d'auto-satisfaction, jugeant de tout mais ne voulant pas être jugée.

Reste donc un méthode encore possible : l'information.

La « presse d'opinion », avec ses éditoriaux et chroniques de réflexion bien fouillés, a presque totalement disparu de nos jours, remplacée par une « presse d'information » dont le but premier est de vendre ou faire de l'audimat.

Alors… la diffusion de nouvelles ? Les chaînes d'info en continu nous ont habitué à attendre toujours, en permanence ce qui est nouveau, ce qui vient de se produire. Un journal qui afficherait en titre ou en manchette « Rien de nouveau aujourd'hui » n'aurait assurément aucune chance d'être lu ou écouté.

Annoncer que Poutine viendrait d'être renversé, ça ce serait une nouvelle ; en revanche, le fait de dire que la Russie ne change pas d'un iota sa ligne de politique étrangère n'intéresse personne.

Dire que les Cardinaux ont évoqué le possible mariage des prêtres, ou que le Pape a ouvert « une porte aux divorcés remariés », voilà une info qui se vend bien ; mais rappeler que le St. Siège ne change rien sur le plan de la doctrine, invite juste au discernement, rappeler que les portes de l’Église sont ouvertes depuis plus de vingt siècles, dans la permanence de ses commandements, ce n'est pas de l'information pour nos journaleux.

Il y a donc l'information telle qu'elle est attendue, espérée, tentation pour l'informateur d'en faire des plats énormes, d'y mettre l'accent, de grossir le trait… au détriment de ce qui reste durable, permanent. L'esprit de « l'informé » s'habitue progressivement à considérer que la seule information qui vaille, c'est le changement, tout ce qui change dans l'univers, une sorte de mouvement perpétuel qui relègue dans l'ignorance des nouveautés plus réelles, plus profondes : les idées, et la permanence des idées.

Je viens de parler de « l'informé », l'homme informé est un homme qui sait, il devrait – logiquement – être informé du fait brut, par ex. « le pape est mort. » là au moins, cette nouvelle est vraie ou fausse dans l'absolu. Mais si l'info reçue est « le Pape vient de publier une exhortation apostolique. » l'essentiel de l'information lui manque. Or, combien de fois l'informé ne fait même plus attention à cela ? Un homme informé n'est informé ni de seconde main, ni par des résumés.

Le Pape, en Bon Pasteur, vient juste de rappeler que l’Église ouvrait la porte de nos coeurs, pas une porte aux idées révolutionnaires. Dommage pour nos « informateurs » officiels et patentés.

dimanche 10 avril 2016

Pâques 2016 à Fidjrossè

Pâques 2016


Début de la Semaine Sainte 2016 à Cotonou. Ce matin, je pars faire un tour à la paroisse Saint-François d'Assise de Fidjrossè où j'assiste habituellement à la messe dominicale, dans l'intention de voir quels sont les horaires de confession. Dimanche dernier, dimanche des Rameaux, ils n'avaient rien annoncé, contrairement à la semaine précédente où ils avaient indiqué deux après-midi de la semaine, jeudi et samedi. Renseignements pris, point de confessions cette semaine en raison de la charge considérable de travail de préparation de la fête pascale, processions, chemin de Croix, les chorales à gérer, le chapiteau à monter, les veillées à organiser...etc. Le Père MIANTE, par téléphone, m'explique tout ça, et me convie à passer un matin quérir l'un des Pères, ce que je compte bien faire.
Occasion m'est ainsi donnée de me pencher sur l'histoire de cette magnifique et dynamique paroisse, construite dans un style brésilien par l'architecte Capo-Chichi Innocent, figurant un symbole de la minimité franciscaine, ‘Une grande croix au dessus et l’église couchée en bas comme Jésus sous la croix’ , ornée de fresques murales réalisées par un moine de l'Abbaye de Solesmes, ce qui ne manque pas de me remettre en communion avec mon vieil oncle de cette ordre, le Père Marcel Burlat, disparu en septembre dernier à l'age de 100 ans.
L'ordre missionnaire qui gère cette paroisse est « combonien », i.e. issu de l'activité pastorale de Daniel COMBONI, prêtre italien du XIXème, évêque en Afrique Centrale et à Khartoum, où son apostolat magnifique lui valut d'être canonisé en 2003 par le Pape Jean-Paul II. Cet ordre est présent sur tous les continents, et particulièrement au Togo, Ghana et Bénin ; le Père MIANTE en est le Supérieur Provincial.
La paroisse, et l'église, furent édifiées depuis celle du Bon Pasteur, à partir des années 1970, lorsque le quartier de Fidjrossè commença à se peupler. Elle fut bâtie sous le patronage de St. François d'Assise, qui – il faut bien le reconnaître – lui apporta grande protection eut égard aux aléas du temps et aux grand nombre de catéchumènes, de baptêmes et de vocations qui furent suscités grâce à elle et aux Pères Comboniens. Elle fête Saint Daniel Comboni chaque année le 10 octobre.
Je suis toujours extrêmement frappé – lorsque j'y pénètre – par l'ambiance de recueillement qui y règne et par la ferveur des fidèles présents. Ce tableau est si tranchant par rapport à la plupart des paroisses que l'on peut voir en France, avec des portes fermées, des prêtres absents ou des chaises vides le dimanche. Je réfléchis depuis pas mal de temps sur cette question ; nul doute – amha – que ce sont des prêtres africains qui reviendront évangéliser les français, les liens sont trop ténus, une longue histoire missionnaire est en partage, sauf qu'à partir d'un moment c'est la direction qui s'inverse. Ici, les églises sont toujours pleines, les quêtes et les offrandes profitables, les fidèles plient les genoux durant toute la Consécration et se livrent à l'adoration du Saint-Sacrement. Où voit-on encore encore cela en France, mis à part dans quelques lieux très connotés et répertoriés, comme par exemple mon ancienne paroisse des Réformés à Marseille du temps du Père Zanotti-Sorkine. Alors, pour avoir une petite chance de trouver place assise le dimanche à la messe, il fallait arriver vingt minutes à l'avance.
Bonne fête de Pâques à tous !

Sébastien Ajavon

29 février 2016


Séba ! Ou Sébastien Ajavon. On ne l'attendait pas tant il est vrai qu'il avait toujours – par le passé – tenu la politique loin de ses préoccupations. Homme d'affaire, entrepreneur, premier contributeur fiscal au budget de la nation, il avait même fait des déclarations fracassantes en ce sens, vilipendant allègrement le monde politique béninois pour sa mauvaise gouvernance, ses gabegies, et son incapacité à établir un climat propice au développement des entreprises et à l'investissement étranger au Bénin.
Seulement c'était sans compter sur son entourage qui poussait le président du patronat à y aller, considérant que non seulement il était le seul capable de stopper la prédation de l'économie nationale, mais encore qu'avec ses pairs il pourrait résorber la crise du chômage sans augmenter les embauches dans l'administration.
Sous pression et vu l'état du pays il a fini par céder ; il y est allé, et depuis le lancement de sa campagne, bien que placé hors des partis institutionnels, il récolte nombre de ralliements venus d'horizons très divers, reçoit des soutiens parfois inattendus, sans doute de personnages qui savent humer l'air du temps, entendre les populations mécontentes. Si l'on se fie uniquement à la courbe des popularités, la sienne est carrément ascensionnelle , et il ne fait aucun doute qu'il est le candidat qui a le vent en poupe en cette dernière semaine de campagne. Au point qu'il rêve lui aussi de faire le K.O. Du calme, Séba ! La fin de la route est encore semée d’embûches et sera difficile.
Son programme se résume en deux ou trois principes clairs et tranchés. L’État doit se limiter à son rôle régalien et faire le reste en liaison et osmose avec les corps intermédiaires de la société. Lutter contre les gaspillages ; par exemple, point besoin de 29 ministres pour gouverner « simple », il annonce un cabinet ultra-restreint avec des personnes recrutées pour leurs seules compétences. Une croissance à deux chiffres est possible, sa seule promesse, grâce à la fin des dépenses improductives et au développement des échanges avec le grand voisin Nigérian. « Le Bénin est un pays de transit » martèle-t-il.
Coté emploi, pas de promesses chiffrées, mais il prône une réorientation des filières de formation, avec une insistance sur les nouvelles technologies et un rétablissement de la confiance dans le secteur des entreprises, bien mise à mal ces dernières années, et seul secteur capable de créer des emplois. Il se définit souvent du leit-motiv qui caractérise son action passée et future : « je suis un agrégé d'économie pratique » aime-t-il à rappeler. Sourire...
On a affaire à un homme solide, bourru, assez ressemblant au paysan auvergnat , doté du bon sens le plus basique : on ne dépense pas l'argent qu'on n'a pas, mais on fait tout pour augmenter les recettes fiscales sans toucher à l'assiette.
Autre caractéristique du bonhomme : il est chrétien, catholique pratiquant et connaît la doctrine sociale de l’Église comme sa poche, l'appliquant au sein de ses entreprises. Au delà de ce cercle, il a aussi créé une fondation qui finance des projets de développement social, des centres de formation professionnelle et sportive, car l'homme est aussi un fervent défenseur de la pratique sportive, qu'il entend promouvoir à travers tout le pays en réalisant les équipements qui manquent depuis tant d'années.
Perso, ce candidat recueille toutes mes préférences, il est authentique, pragmatique et social, réellement soucieux de servir son pays et non de se servir. S'il réussit à gagner, j'ai bon espoir pour le Bénin d'ici à cinq ans, sinon...
Mon pronostic : Président au second tour, après avoir écrasé Lionel Zinsou.
[à suivre]

Abdoulaye Bio-Tchané

28 février 2016


Abdoulaye Bio-Tchané jouit d'une excellente réputation, tant au niveau économique que moral. Né dans une famille où le père, tour à tour enseignant, administrateur, ministre, brillait de mille feux, où la mère se consacrait à l'éducation des enfants, et où une belle-mère l'emmenait à la messe après l'école coranique, cet homme a été élevé dans une double culture, et il en restitue aujourd'hui une ligne combative en faveur de la promotion des femmes dans la cité et leur « autonomisation », comme il dit. Programme ambitieux de celui qui a fait sien un vieux proverbe Yorouba : « La femme est comme le sel dans la sauce. »
Ainsi bien élevé, il a réussi de brillantes études, et par suite un parcours professionnel sans faute, dévoilant de grandes qualités professionnelles et humaines, reconnu pour ses compétences et sa probité. Profession : économiste. Encore un ! Passé par la grande banque des États d'Afrique de l'Ouest avant d'être nommé ministre par Mathieu Kérékou, mandat au cours duquel il rétablit les comptes publics et remet le Bénin sur le chemin de la croissance, appliquant les bonnes vieilles recettes du FMI et de la banque mondiale, celles qui dopent les multinationales et enfoncent les états dans l'endettement : je vous aide, mais à une condition : privatisez, privatisez, c'est la bonne vieille règle des institutions.
Rien à dire, aux yeux de la haute finance, ce candidat réunit un ensemble de qualités appréciables, d'autant qu'on peine à lui trouver des ardoises ou des cadavres dans le placard. En bon exécutant, on n'oubliera cependant pas son rôle dans la dévaluation du franc CFA, qui lui vaudra d'accéder au poste de Directeur Afrique du FMI. Bref, on l'aura compris à la lecture de son CV, il est l'homme des institutions financières internationales dont la passion c'est d'avoir raison en tout, toujours et partout, comme l'écrit Orsenna.
Doté d'une telle expérience, c'est un homme qu'on écoute lorsqu'il expose son programme et qu'il promet de créer 500 mille emplois en cinq ans pour un coût de 50 milliards par an, et ceci sans augmenter le nombre des fonctionnaires. Je lis, j'écoute… il a sa recette, il sait même se montrer convaincant. Mais à un vieux chibani comme moi, on ne raconte pas des histoires : les promesses électorales n'engagent que ceux qui les croient, moins ceux qui les tiennent, c'est un axiome partout vérifiable.
Si je devais le comparer, je dirais que c'est une sorte d'Alassane Ouattara béninois, mais pourvu d'une corde sociale sensible dont il est prêt à jouer pour soulager les populations pauvres.
Ce sera donc sa seconde candidature, son second essai ; il avait réalisé un petit score de 7 % en 2011, arrivant tout de même en troisième position. Aujourd'hui, il fait figure de candidat qui garde le potentiel d'accéder au second tour, bien soutenu au nord du pays et du coté du centre, mais aussi par une frange de l'électorat assez captive et friande de son programme : les jeunes, les femmes, et – plus largement – tous les hommes et femmes désireux de tirer un trait sur la corruption et le favoritisme. Sans compter, bien sûr, les musulmans du pays. Il est – amha – capable d'être la surprise inattendue, une surprise qui – si elle se produisait – recueillerait ma bienveillante attitude, car l'homme est fondamentalement bon.
Mon pronostic, cependant : recalé de justesse, devra revenir en 2021.
[à suivre]

Patrice Talon

27 février 2016, soir



Autre candidat, Patrice Talon est surtout le roi du coton. Ayant su actionner ses bonnes accointances avec les plus hauts responsables politiques béninois, depuis le président Soglo en 1990, en passant par des ministres comme Amadou Ndiaye, Désiré Vieira, ou Pascal Irénée Koupaki, ce fin commerçant a réussi à prendre au bon moment le vent de la privatisation des sociétés d'état suite aux injonctions des institutions internationales. Il parvient à prendre le contrôle du marché du cette noble matière, mais aussi de la filière des traitements phytosanitaires, des semences et des usines de transformation des résidus, comme l'huile végétale de coton. Sous l'ère Boni-Yayi, qu'il a soutenu et financé pour ses deux campagnes, il récoltera en remerciement pour ses bonnes grâces la direction du programme d'état en charge du contrôle du marché cotonnier et de ses dérivés, le fameux P.V.I., ce qui deviendra source d'embrouille avec le pouvoir à partir de 2011. En matière de privatisation, il est rare d'en avoir observé d'aussi totale, lol ! Talon est réellement le roi incontesté et incontestable du coton, puisqu'il contrôle à la fois la production, la transformation, les importations d'intrants et qu'il se voit en même temps confier la charge de la régulation & vérification étatique du marché. En matière de compétence économique, Boni-Yayi a fait très fort ; on voit qu'il a été à la bonne école ultra-libérale... En toute hypothèse, et grâce à lui, Talon a eu tout, jusqu'au jour où…. catastrophe, leur relation amicale s'est envenimée, et qu'il ait dû fuir à Paris et Washington sous la menace d'un procès en sorcellerie dans lequel le Président lui-même s'est ridiculisé et fut contrecarré par les juges. Depuis, et en dépit d'un « pardon » proclamé, les deux hommes se vouent une haine personnelle tenace.
Évidement, Patrice Talon n'est pas très prolixe sur ces petits arrangement entre amis lorsqu'il tient des réunions électorales. Il préfère parler de rupture. Il a raison. Étymologiquement, il s'agit d'une vraie rupture entre lui et le pouvoir de Boni-Yayi, comme un couple qui vient de divorcer. Mais de rupture politique avec un système qui consistait à favoriser les affaires des ses amis avec l'argent et les moyens de l'état, il aura du mal à faire passer la pilule aux béninois. Ces derniers temps, d'ailleurs, l'homme ne se déplace que très peu, préférant appuyer sa campagne sur les réseaux sociaux, et spécialement ceux des jeunes étudiants qu'il a réussi à faire rêver en leur racontant sa « success story ».
Classé parmi les plus grandes fortunes d'Afrique, Talon est un quasi-inconnu pour beaucoup de béninois qui n'ont encore jamais vu l'homme mouiller sa chemise pour ses compatriotes en difficulté, ou bien ouvrir son porte-monnaie pour des choses, des actions ou des services à caractère social.
A mes yeux, en tout cas, Patrice Talon, c'est le Bernard Tapie du monde politico-financier béninois, cad beaucoup d'intrigue, d'entregent, beaucoup de bobards, un physique d'acteur, le goût du fric et de la frime mais peu de sincérité, de générosité réelles.
Mon pronostic ? Recalé dès le premier tour.
[à suivre]

Lionel Zinsou

27 février 2016



Voici plus d'un mois que je n'avais pas repris l'écriture de mes aventures au Royaume du Danhomè, oui c'est de là qu'est née la République du Bénin lorsqu'elle accède à son indépendance en 1960.
En ce qui me concerne, le début d'année 2016 a été marqué par un court voyage en France, et un désir prégnant d'en vite repartir tant l'ambiance aussi bien sociétale que politique me désespère. Hollande a de nouveau sorti un gadget de sa célèbre boite à outils, destiné paraît-il à résorber la crise de l'emploi, sans jamais réaliser que ce ne sont pas les mesurettes favorables aux patrons qui créent de l'emploi, mais la croissance, le moral des français et l'activité des entreprises. Au cours de ce passage, j'ai eu la surprise de voir le fisc me réclamer une taxe d'habitation d'un montant prohibitif pour une simple adresse de domiciliation sur un immeuble de SCI ! Heureusement que je n'avais pas pris une boite postale, sinon il m'aurait imposé sur la valeur locative de la Poste Colbert.
Lorsque je quittais Cotonou, fin janvier, je finissais de rédiger « Règlement de compte à Fidjrossè – Acte I. », et plusieurs – parmi ceux qui me lisent – m'ont questionné sur la suite. Je vais donc les faire languir encore un peu, car le dénouement de ce litige n'est pas clos, et je voudrais que l'acte II permette à toutes les parties de tirer la morale de cette malheureuse affaire.
Le grand sujet qui agite les béninois et nourrit toutes, ou presque, les conversations ici, depuis mon retour, c'est l'élection présidentielle au pays, dont le premier tour de scrutin aura lieu le six mars prochain. Comment – à cette occasion – pourrais-je faire l'impasse sur mes ressentis ?
Les murs, les avenues, les panneaux publicitaires ont été pris d'assaut par les équipes de campagne des candidats, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on observe une véritable colorisation de la ville. On commence aussi à voir circuler des véhicules, des zems, qui arborent les couleurs de tel ou tel prétendant à la magistrature suprême. A la télévision, les débats ont commencé, et les récipiendaires parcourent le pays, suivis par des convois plus ou moins conséquents selon l'importance des moyens financiers mis en action. Une chose est cependant certaine : l'argent coule à flot, aussi bien pour le matériel de propagande que pour la rétribution des militants. Voilà au moins une chose positive.
Je vais m'arrêter sur les quatre principales figures qui sont susceptibles de l'emporter au second tour, car il y a eu pléthore de candidatures, je crois qu'au dernier recensement de la Commission Électorale, il en restait 32 en lice.
Mon premier billet sera pour le candidat du pouvoir sortant, qui – il faut le rappeler – a vu vu deux mandats de Boni-Yayi se suivre en l'espace de dix années. Mises à part les groupies, l'appréciation populaire et générale va quasiment de mauvaise à très mauvaise : gabegie, non-respect des promesses électorales, scandales financiers, détournements de subventions internationales… j'en passe et des meilleurs. Alors forcément, ça n'aide pas le dauphin choisi par le Président sortant, un dénommé Lionel Zinsou, franco-béninois parachuté voici à peine six mois de France pour être nommé Premier Ministre au Bénin. Et maintenant candidat. Oh, certes, le bonhomme est doué, il a étudié et a fait une belle carrière à la Banque Rothschild, est passé dans le cabinet ministériel de Laurent Fabius pour lequel il écrivait les discours. Comme quoi, il y a toujours un revers à n'être pas né de la bonne couleur, noir ou blanc. Lui est métis, considéré comme «blanc» à la solde de Paris par beaucoup de béninois, alors que son oncle fut Président du Bénin en 1968. Vous avouerez que passer de « nègre » de Fabius à « yovo » de Boni-Yayi, ça peut donner envie de sourire.
Le coup de grâce pour lui est tombé hier, par la voie de l'ancien ambassadeur de France à Cotonou, Jean- Paul Monchau, qui s'est fendu d'une lettre ouverte dont s'est emparée le presse locale, dans laquelle il explique que Lionel Zinsou n'est candidat que pour assurer l'immunité de Boni-Yayi au lendemain de l'élection. Alors que ses équipes de campagne promettaient le KO dès le premier tour, j'ai le sentiment que leurs prétentions ont considérablement diminué ces derniers jours, comprenant que l'union des partis de la coalition ne signifiait pas pour autant l'union des électeurs sur le nom de Zinsou face à l'urne.
Au plan politique, Lionel Zinsou présente l'avantage d'être l'homme neuf, arrivé de loin, qui n'a pas d'affidés et n'est redevable à personne ; ce qui pourrait le servir pour gouverner. En revanche, sa perception passée d'une Afrique qui appartiendrait à l'Europe passe mal ici, malgré qu'il s'en défende à présent, assez maladroitement. Non, son plus gros handicap, c'est d'être le Dauphin du sortant. Et le risque, s'il gouverne, c'est qu'il devienne le « Alassane Ouattara béninois », cad. le financier qui redresse les finances publiques sous la conduite de la Banque Mondiale et du FMI, qui favorise le développement et les profits réalisés par les grandes sociétés multinationales, mais qui relègue au second plan des urgences, voire laisse stagner le petit peuple dans ses soucis quotidiens d'avoir l'eau courante, l'électricité sans délestage, un accès facilité aux soins à à l'éducation, et je ne parle pas du boulot pour les diplômés qui chôment.
Zinsou – amha – sera présent au second tour ; sa machine partisane est très puissante, elle domine et régente toutes les strates des pouvoirs locaux et des administrations ; de plus, les petites magouilles, soigneusement orchestrées semblerait-il, portant sur la distribution des cartes d'électeurs devraient jouer en sa faveur. C'est à l'issue du premier tour que les choses devraient se corser pour lui, il va se retrouver seul contre tous.
Mon pronostic, c'est qu'il ne sera pas élu, mais battu par l'un des ses challengers.
[à suivre]

Règlement de compte à Fidjrossè

26 janvier 2016


Règlement de compte à Fidjrossè – Acte I
J'étais invité samedi soir à une soirée barbecue chez un ami, que j'appellerai Sam pour préserver la confidentialité, un garçon qui cultive plusieurs talents, du massage californien, shiatsu et réflexologie plantaire, à la musique africaine ; en bon musicologue, il collectionne les vinyles des 60'-70' enregistrés en afrique et particulièrement au Nigeria, il en détient plus de cinq cent, dont certains titres - extrêmement rares – réaliseraient des performances lors des ventes aux enchères parisiennes. Sa cabane du bord de mer ressemble à celle de Robinson Crusoé : un assemblage hétéroclite de bois, de bambous, de cordes enrichies de coquillages et des tissus multicolores. Des hamacs et de simples plots servant de tabouret forment l'ensemble du mobilier. Pour vous le dire en deux mots : c'est rustique. Mais ça me plaît. Du haut de la cabane, on domine la route des pêches, comme du haut d'une tour de vigie, ce qui permet de voir ce qui se passe sur le bord de mer : les pêcheurs remontant leurs immenses et lourds filets (ça dure près de trois heures), les bonnes dames qui attendent l'arrivée des poissons qu'elles emmèneront vendre à la ville, les motos qui passent, dont certaines conduisent des élèves vers une école de théâtre située un peu plus loin, dans un cadre magnifique : l' « Atelier Nomade », ou « École Internationale de Théâtre du Bénin », dirigée par Alougbine Dine, acteur, danseur et metteur en scène béninois très connu, qui a porté sur les planches plusieurs pièces de Jean Pliya. Je vous invite d'ailleurs à découvrir son travail en allant faire un tour sur son site internet… Mais mon sujet, aujourd'hui, n'est pas là.
Et donc, pour cette petite soirée, tout était prévu à Togbin-Plage, mais au dernier moment, pour des raisons d'organisation matérielle et de transport, le lieu fut déplacé à Fidjrossè, vers la fin du pavé, la route des pêches n'étant pas aisément circulable de nuit, avec le sable et l'obscurité. Nous voilà donc introduits dans une grande maison familiale à deux étages, des « cousins » à Sam, dotée d'un labyrinthe de pièces immenses et pourvue de plusieurs terrasses, dont celle dédiée à la fête, une centaine de mètres carrés environ, avec vue sur la plage. Ici n'habitent pas que les cousins, mais aussi une foultitude d'étudiants locataires d'une chambre. L'ambiance de la soirée, avec la musique, une cuisine élaborée (merci les filles) et des boissons à volonté, allait satisfaire mon attente : beaucoup de convivialité et des discussions intéressantes, pour une fois en français et pas en fon, ce que – ma foi – j'ai trouvé plaisant.
Tôt le matin, tout le monde a quitté la fête avec satisfaction, enfin … tout le monde, sauf Sam qui s'était endormi dans un coin. C'est là, justement, le point de départ du problème qui allait l'assaillir et gâcher le lendemain de la soirée. Le samedi soir, il avait garé sa moto dans l'une des cours intérieures de la maison, ordinairement fermée par un portail solide. Or, le matin, plus de moto. Un voleur était passé par là. Entre temps, la moto avait été utilisée pour aller chercher des cigarettes au quartier par l'un des cousin que je nommerai Enzo, le maître de céans, qui fut donc le dernier à en avoir pris la responsabilité et en détenir la clé de contact.
L'explication Sam-Enzo va monter en température au cours de la journée dominicale… Pour le premier, il est impensable que sa moto ait pu disparaître sans qu'Enzo en sache quelque chose, d'autant qu'il a affiché une certaine désinvolture le matin en apprenant la nouvelle ; en tant que chef de maison, c'est lui le responsable. Sam dépose donc plainte au commissariat, diligente les policiers vers le lieu du délit et fait auditionner les différents témoins. Le résultat ne se fait pas attendre. Enzo est emmené en cellule en attendant d'être déféré devant un juge pour abus de confiance. Je connais déjà ce type de procédure policière expéditive à la suite de laquelle se retrouvent souvent en garde à vue des personnes dont le seul tort est de voir reposer sur elles de simples soupçons, sans l'ombre de la moindre preuve matérielle ; j'en suis personnellement choqué, mais – hélas – c'en est ainsi en afrique : on emprisonne vite et bien, et parfois des innocents. J'ai fait part à Sam de mon opposition à sa démarche aveugle et accusatrice, et dimanche soir, j'ai même refusé de l'accompagner pour porter la soupe au prisonnier. Car – oui – on a beau être fâché, en embrouille avec quelqu'un, il n'en reste pas moins qu'un prisonnier en cellule a besoin de manger, et que la fraternité africaine reste de règle, même en ces moments là.
A l'heure où j'écris ces lignes, la conclusion de cette malheureuse affaire n'est pas encore écrite, sauf que les derniers éléments de l'enquête tendraient à innocenter Enzo ; le vol aurait été commis par l'un des locataire de la maison qui aurait été vu, au petit matin, sortant la moto de la cour. Ce matin, celui-ci doit se présenter à une convocation du commissariat, et ce sera la confrontation entre sa parole et la validité du ou des témoignages. En attendant, hier soir, le pauvre Enzo restait derrière les barreaux, et ma petite visite lui a sans doute remonté un peu le moral. Les cousins, eux, sont catastrophés : leur frère croupit dans une cellule depuis plus de quarante huit heures. Ce sont eux qui me mettent au courant des nouveaux développements de l'enquête. A propos de Sam, ils ne tarissent pas de critiques. Et aussi d'interrogations. Comment a-t-il pu porter plainte contre Enzo, son ami, son frère, qui l'avait accompagné au Nigeria au cours de la même semaine à la recherche de vinyles anciens ? Pourquoi refuse-t-il de discuter, de venir leur parler afin de trouver une solution satisfaisante à cette situation, qui – en Europe – serait considérée comme totalement ubuesque car contraire au droit, endroit où la liberté est la règle, sa privation, l'exception. J'ai eu Sam au téléphone hier dans la soirée… il n'en démord pas. Il veut sa moto, ou bien son voleur, et il ne parvient pas à admettre que, dans la propre maison d'Enzo, celle-ci ait pu disparaître sans que quelqu'un ne soit au courant. Si je puis résumer sa position, elle forme le pari que le fait d'enfermer Enzo va établir un nouveau rapport de forces chez les occupants de la maisonnée, obligeant certains à briser cette espèce d'omerta qui recouvre la vérité d'une voile pudique. On verra bien ; journée cruciale que ce mardi...
[à suivre]

Aventures à deux ou quatre roues

20 janvier 2016



Aventures à deux ou quatre roues.
Au cours de mes différents voyages à Cotonou en 2014 et 2015, je me déplaçais en zem, puis sur une petite moto chinoise acquise à Zogbo. Ah ! Le « zem », toute une histoire… Il s’agit de taxis-motos qui vous prennent au bord de la voie, là où vous vous trouvez, et vous déposent à destination, devant votre porte ; et ils sont facilement reconnaissables, car les « kénékons » (les hommes à moto) portent tous un gilet jaune fluo avec leur numéro ; le prix de leur course se négocie au départ mais il tourne habituellement entre 200 et 1000 Francs CFA selon la distance. Ce moyen de transport est devenu tellement prisé qu’il a désormais droit à sa notice sur l’encyclopédie Wikipedia, laquelle nous explique que le « Zémidjan » signifie littéralement « emmène-moi vite » ou encore « prends-moi brusquement » en fon, la langue du sud du Bénin. Beaucoup de jeunes étudiants exercent ce métier en dehors de leurs heures de cours, histoire de se faire un peu d’argent de poche et pouvoir subvenir à leurs besoins. Très pratique, en tout cas, pour circuler rapidement en ville, tant les gossolos sont pénibles aux heures de pointe. Qu’est-ce que le « gossolo » allez-vous encore me demander ? Eh bien je m’interroge encore. Amha, (i.e. A Mon Humble Avis) il s’agit d’un détournement en fon de l’expression anglaise « go slow », ce qui se traduirait en français par « embouteillage ». Je trouve – personnellement – que le terme « gossolo » a davantage de charme. Alors, en ces moments, on peut voir et admirer le talent des conducteurs de zems qui parviennent à se faufiler entre les files de voitures ou forcer la priorité sur un rond point ! Car à Cotonou, pour avancer, si vous n’êtes pas capable de vous engager sur un passage et de vous imposer, il vaut mieux rester à la maison. Tout cela se passe cependant dans la meilleure ambiance, rarement un mot grossier ou une insulte, mais des sourires, de la courtoisie. Finalement, après un exercice de quelques mois de conduite, j’ai rapidement compris que ce qui permettait à la ville de conserver un peu de fluidité routière sur ses grands axes, c’était la rareté des feux rouges, la vitesse modérée des véhicules et le non respect du code de la route.
Alors dans le gossolo que je fréquente désormais au volant de ma voiture (à mon grand regret d’ailleurs, mais force est de reconnaître qu’à mon âge, elle constitue un moyen de déplacement plus sécure), il y a intérêt à savoir se montrer patient et avoir une climatisation en ordre de marche, sinon, entre la sueur qui vous dégouline de partout et les fumées d’échappement que vous respirez, vous n’aurez aucune envie de songer à des choses positives mais plutôt de fulminer et vous emporter. L’autre avantage appréciable, c’est la boite de vitesse automatique qui vous permet d’avancer aisément des quelques mètres nécessaires pour recoller au véhicule qui est devant, pendant que les zems profitent des intervalles et se faufilent et que les petits vendeurs de rue viennent vous proposer leurs chinoiseries à la vitre de portière. Je vous l’assure, c’est un spectacle très curieux. A voir absolument !
L’achat d’une voiture, c’est une affaire qui se passe au port, dans les entrepôts sous douane. Cotonou bénéficie d'un port en eau profonde, réalisé et achevé dans les années 60 ; avant que ne soient domptés la « barre » et les sables, il y avait un wharf qui fut construit entre 1891 et 1899, qui s'avançait en mer, et au bout duquel des pirogues chargeaient passagers et marchandises pour les amener plus au large, à bord des grosses embarcations. Plus avant encore, il n’y avait rien à Cotonou, et les échanges se faisaient à partir de deux autres ports du Bénin : Grand-Popo, aujourd’hui une belle station balnéaire, et Ouidah, l'ancien port d'où étaient embarqués les esclaves pour l’Amérique. Aujourd'hui, avec son gigantesque port, Cotonou occupe une place de toute première importance au niveau de la sous-région dans l'importation et le transit de véhicules d'occasion ; les parcs de vente abritent des dizaines de milliers de véhicules de toutes sortes et connaissent - depuis les 80' - un essor considérable, faisant vivre un important secteur formel et informel, des milliers de travailleurs, des familles. Tout le monde se presse pour arpenter les kilomètres de rangées de bagnoles, négocier le bon prix, s’arranger avec la douane : on y croise beaucoup de commerçants nigérians, les valises pleines de naïras, mais aussi burkinabés à la recherche d'un camion de transport, des maliens en quête d'un bon camion-plateau, et bien sûr des béninois à la recherche du 4x4 familial qui va leur permettre de balader la petite famille, ou – pourquoi pas – frimer en ville, car les gens d'ici aiment beaucoup les 4x4 et force m’est de reconnaitre que l’état de certaines voies ou pistes rend parfois aléatoire l’utilisation de simples berlines.
En avril dernier, je m’étais donc prêté au jeu de voir ce qu’il en était. Assis à l'arrière sur la moto d'un ami, j'avais parcouru quelques allées d’un parc, pas toutes, je n’allais pas y passer ma vie, d'autant que ces parcs sous douane sont multiples, il en existe une bonne vingtaine. Et de fait, on y trouve vraiment tout ce que l'on veut ; demandez et vous obtiendrez, tel pourrait être le slogan. Lorsque l'on s'arrête devant l'objet désiré, voici qu'accoure le négociateur. Il avait dû nous voir arriver, surtout moi, un « yovo » sur une moto, et devait nous épier du coin de l’oeil. Ouverture des portes, démarrage, et début de discussion. En afrique, il faut savoir discuter, et je dois vous avouer qu'à ce jeu, je ne suis pas très bon. Finalement nous ne conclurons pas. J'étais surtout venu faire un round d'observation. En sortant, je m’étais fait brancher par un importateur libanais sur un Highlander Toyota, un prix intéressant pour ce type de véhicule, mais là encore j’avais décliné, car l’heure de mon acquisition n’était pas arrivée.
Elle vînt en novembre dernier, lors de retour, et le contact que j’avais en vue pour me dégoter la perle rare, un Toyota RAV4, se trouvait être alors en déplacement ; je ne pouvais plus attendre et me suis rabattu sur des véhicules sortis du port et dédouanés. Une connaissance m’a orienté vers un vendeur de rue très sympathique chez qui j’ai opté finalement pour une Honda CRV boite automatique, après un essai réalisé avec l’assistance d’un mécano qui m’avait été recommandé. A ma grande honte, il faut que je vous dise que son service fut superflu, car en peu de jours d’utilisation je pointais déjà les points faibles de la voiture : les amortisseurs et le train avant, l’échappement. Coté motorisation, tout était OK, mais il m’a fallu procéder à quelques réparations, et celles-ci n’ayant pas été bien faites, j’en projette de nouvelles qui seront effectuées lors de mon prochain voyage à Paris début février. Bon, je suis philosophe : je ne peux blâmer ni le vendeur qui m’a permis de faire examiner la voiture avant l’achat, avec un essai routier concluant, ni les mécanos, des gars bien, mais qui n’ont pas eu la présence d’esprit de regarder le dessous de la voiture. Je prends donc ces aléas pour ma pomme, rien de bien grave au demeurant. Ca roule. Ce n’est qu’une voiture…

Retour du Nord Bénin

Voici la page 2015 tournée, devant nous une nouvelle année. A Natitingou, nous étions quelques amis à réveillonner ensemble chez Dany, propriétaire de « Ma Case au Bénin », enfin… le terme « réveillon » est un peu prétentieux. Concrètement, j’étais allé au monastère de Pèporiyakou pour faire l’approvisionnement en produit de leur ferme : rillettes, jambon et saucisses. A la supérette, j’avais trouvé du Cabernet Sauvignon d’assez bonne facture. De son coté, Dany avait préparé un excellent riz en accompagnement, et pour finir une coupe de fruits dont elle a le secret. Peu importe la simplicité du menu, la convivialité était là, dans le cadre reposant et agréable de cet ensemble de cases africaines plantées au milieu d’un jardin luxuriant sur les hauteurs de la ville. Derrière les cases, coule un ru qu’il convient de nommer « la marigot », où les lavandières africaines viennent frapper le linge. Les guides touristiques ne se trompent pas en recommandant cette adresse.
Après les douze coups de minuit, les jeunes prenaient le chemin des cabarets où l’on sert du tchoukoutou, dit le « tchouk » ; il s’agit d’une bière artisanale fabriquée à base de mil ou de sorgho qui est très prisée par les béninois et togolais. Il en existe deux sortes : fraîche ou fermentée. La première est douce, sucrée, le seconde amère et nettement plus alcoolisée. Aux abords des rues, il y a donc ces fameux « cabarets », dans lesquels hommes et femmes se retrouvent pour savourer cette boisson tant appréciée. On la déguste dans une petite calebasse, et il est dit qu’elle serait aussi revitalisante, ce qui est sans doute un bon argument de vente pour les hommes un tant soit peu fatigués, qu’elle ferait oublier les soucis, et guérirait même du palu, mais pour ça, il n’existe pas de preuve scientifique. Outre ces vertus thérapeutiques, le tchouk serait également un vecteur de réconciliation entre ennemis ou adversaires, suscitant le pardon. Vraiment, comme on dit à Abidjan, le tchouk est trop, hein !
Pendant ce temps, les anciens – cad Dany et moi - regagnaient raisonnablement leur chambre. Un vrai soulagement en ce qui me concerne, étant donné que mes paupières ont terriblement souffert des attaques de l’harmattan ; elles ont gonflé de volume depuis mon arrivée dans l’Atacora, qui n’est pas simplement le nom d’un département du Bénin mais aussi une chaîne montagneuse où l’on peut découvrir les fameuses tata-sombas, ces fermes fortifiées si particulières aux Bétamaribés (j’y reviendrai), et le Parc National de la Pendjari, grande réserve naturelle et animale. La vitamine A trouvée en pharmacie, calme un peu mes irritations oculaires, c’est un minimum, mais le gène demeure. Or, demain, il va falloir reprendre la route direction Sud, avec étape à Dassa chez Armand & Joanna qui tiennent la Ferme Maktub, dont le Routard nous vante les qualités d’accueil et de restauration, ce que je ne démentirais pas, et qui fait partie du réseau « Accueil Paysan ». Armand s’occupe de la ferme, sise à l’écart de la ville, loin des sentiers battus, il tient un élevage de lapins, de chèvres, bientôt de cochons et cultive un jardin de fruits et légumes bios ; Joanna s’occupe de la cuisine et de la restauration avec son personnel. De chez eux, il est possible d’effectuer de belles ballades sur les immenses, les colossaux rochers qui surplombent Dassa. Les bungalows sont simples mais très fonctionnels, réalisés dans un style authentique et avec matériaux traditionnels.
Reprendre la route…. Cette route est en certains endroits dans un état lamentable, avec des nids de poule profonds, ce qui m’oblige à faire un détour par la case garage pour une soudure au pot d’échappement. Après Dassa, elle devient à peu près bonne, puis, tout à fait après Bohicon. Arrivée à Cotonou, passage chez les Dovi pour y déposer mon accompagnateur avec ses provisions de tchouk, fromages, ignames et pommes de terre, puis retour à la maison pour du repos bien mérité, mais de courte durée. En effet, j’avais prévu une petite fête à la maison le 3 au soir avec la famille Tempête. Je m’en serais bien dispensé tant mes paupières boursouflées me causent de l’inconfort. La pharmacienne de Fidjrossè m’a donné une pommade ophtalmique unidose, le Sterdex, que je vous recommande en cas de problème similaire ; elle s’est avérée très efficace dès la première application.
Le 7 janvier, j’ai commencé mes séances de rééducation du rachis cervical à Camp Ghezo, l’hôpital des armées. Après seulement trois soins, je dois reconnaître le grand professionnalisme des kinés militaires : étirements musculaires, massages, je me sens déjà soulagé, je pense voir bientôt la fin des douleurs.
A la veille de la fête du Vaudou, qui est une fête nationale au Bénin, j’ai pris la direction de Wado, un restaurant de plage qui est le spot préféré des surfeurs ; ils avaient prévu une « soirée folle et conviviale, avec piste de danse sous les étoiles, musique pour nous enjailler (j’aime bien ce verbe issu de l’argot de Côte d’Ivoire) les pieds dans le sable, et feu de camp en bord de mer… ». En réalité, leur communication tardive sur le thème « le Wado va chauffer!» ne leur a pas permis de réunir beaucoup de participants. Dommage ! Ce qui ne nous a pas empêché de goûter à leur carte habituelle de poissons frais et de fruits de mer.
Avant cette soirée, nous avions tenu à la maison la seconde réunion de l’Association Jar’Nati Bénin ; il va falloir que les participants arrivent à l’heure ! Amha, ce n’est pas gagné, mais je ne renonce pas.
Sinon, j’entame une semaine de démarches administratives : chef de quartier, carte consulaire, visa de séjour. Bref, ça n’arrête pas ; on a beau être à la retraite, il y a toujours quelque chose à faire.

[A suivre]

Noël à Pèporiyakou

26 décembre 2015


Entrée dans les lieux / Noël
Vendredi18, j'ai rendez-vous avec mon nouveau propriétaire pour la
remise des clés de mon appartement. J'attendais ce moment avec impatience ; la veille, j'avais signé le contrat de location. La maison est magnifique, située non loin de la route des pêches, et de la terrasse, on peut voir et entendre l'océan. Ce soir, après un déménagement réalisé grâce à l'aide de la famille « Tempête », je peux profiter de cette agréable vision et de la brise marine qui souffle un petit air vivifiant venu du large. Un réel bonheur.
Comme il s'y était engagé, le proprio a viré le lit de la seconde
chambre qui va devenir bureau et salle à manger. L'ouverture des cantines, arrivées par le bateau la semaine dernière, a donné lieu à diverses réjouissances au profit mes déménageurs ; j'avais en effet récupéré une quantité de sacoches en France, qui font - ici - le bonheur et l'utilité de mes amis béninois. Chacun repart avec un cadeau. Puis c'est le temps du grand rangement dans les placards : linges, ustensiles, babioles, dossiers divers… tout doit venir à sa place. La déco, ce sera pour un autre jour. Il est 23 heures lorsque je termine ce travail, en solo.
Le samedi matin, ma première idée consiste à inaugurer un programme
d’activité physique : petite marche à pied en bord de plage. Non pas que j'ai la fougue pour ce genre de sport mais plutôt la conscience qu'il m'est utile voire nécessaire d'entretenir ma forme. Et la forme, je l'ai. Depuis mon arrivée, reprise d'un véritable appétit, au point qu'il va falloir que je surveille mon alimentation, et cure du vitamines à base de jus d'oranges pressées. Hum, qu'elles sont bonnes ces oranges du Bénin, juteuses et sucrées à souhait.

J'ai aussi entamé des séances de natation à la piscine de chez Rada.
Une piscine à eau de mer dans le cadre idyllique de la plage (proche) de Togbin, et une cuisine excellente. Tout irait pour le mieux si ce n'était cette fichue névralgie cervicale qui me pourrit l'existence depuis plus de vingt ans et qui ressurgit depuis quelques semaines. Mon rhumato béninois, recommandé par un ami, m'a placé quelques jours sous cortisone, Lamaline et Cortancyl, des médocs contre la douleur et favorisant la décontraction musculaire ; du coup, ça va un peu mieux. Sur ses conseils, j'aurais dû entamer une ré-éducation chez les militaires de l'Hôpital d'Instruction des Armées, à Camp Ghezo, mais je ne pourrai commencer le programme que début janvier en raison du succès populaire des militaires qui doivent hiérarchiser les demandes. J'ai hâte de passer entre leurs mains, car à ce qu'il me revient aux oreilles, leurs kinés sont fortiches.
En attendant, je prépare ma montée sur Natitingou. Noël façon
mercantile, commerciale, festive… très peu pour moi. Enock, un ami de l'association Jar'Nati-Bénin, m'a suggéré l'idée d'une retraite au monastère des moniales de ND de l'Ecoute, à Pèporiyakou, à 8 kms au nord de Nati. Les sœurs bénédictines sont issues de l'Abbaye de Jouques, en lien avec la famille de Fontgombault et se sont installées au Bénin voici dix ans sur la demande expresse de l'évêque du lieu, alors Mgr. N'Koué. J'en avais entendu parler par le Père Abbé du Barroux qui était venu au Bénin en 2013 ou 2014 lors de la bénédiction du nouveau séminaire de Parakou ; c'est une évêque très énergique, un proche du Cardinal Sarah, qui – lui aussi, d'ailleurs – est venu à Pèporiyakou. Pour les offices, les religieuses psalmodient en grégorien et la liturgie qu'elles suivent bénéficie du privilège du Motu Proprio de Benoît XVI, ce qui – évidement – n'est pas pour me déplaire.

Je dois avouer qu'à l'instant où j'écris ces lignes, de ma chambre
hôtelière du monastère, la satisfaction espérée au plan spirituel fut au rendez-vous. J'ai eu le plaisir d'y croiser l'Abbé Denis Le Pivain, Directeur du Séminaire de Parakou, et le Père Bernard Mallet, moine de l'Abbaye de Randol en mission au Bénin où il aide les sœurs depuis quelques mois. Marrant, mais avec ces deux prêtres, nous retrouvons ensemble des connaissances de jeunesse communes.
La semaine prochaine, je la passerai à Nati, avec à mon programme
divers contacts pour Jar'Nati-Bénin, et un peu de repos chez Dany Raye qui tient le gîte « Ma case au Bénin », un merveilleux havre de paix. Nous ferons ensemble le passage à 2016, mais j'aurai l'occasion d'y revenir.